• Les Racines de l'histoire...

    Teaser:

     

    Puppets est un ensemble de nouvelles fantastiques prenants place dans un futur post-apocalyptique.

    Lawrence est un pantin qui a vécu pendant des années enfermé dans une cabane à lire des livres sur notre monde. Aujourd'hui il veut le parcourir de long en large, apprendre à connaître les humains et les aider. Au cours de ses aventures il va être amené à rencontrer de nouvelles personnes... Et de vieilles connaissances qu'il aurait voulu oublier.

     

     

    Prologue:

     

       Planète Terre. Dans un lointain futur. Loin de la civilisation, loin des villes rongées par l'apocalypse, se dressait une petite cabane en bois où vivait un vieil homme. Allongé dans son gros fauteuil de cuir blanchit par le temps,  un petit pantin abîmé dans les mains, l'homme songeait. Il avait vécu une longue et belle vie. Il l'avait dévouée à faire rire les enfants avec ses marionnettes et ses poupées. Mais la vie allait bientôt le quitter, et cela le rendait triste. Pas triste de mourir, non. Triste de ne plus pouvoir regarder les bambins sourire devant ses pantins de bois et de chiffon, de ne plus pouvoir apporter un peu de joie dans ce monde à l'agonie.

       Le vieil homme se redressa un peu dans son fauteuil. Autour de lui, la poussière et la terre incrustées partout donnaient cette impression de cabane pour enfants, oubliée au fond du jardin. Le bois, autrefois clair, était à présent noir et rongé à quelques endroits. Les pauvres tissus qu'il avait mis pour combler les trous avaient été bouffés par les mites, et la cabane tremblait tellement à chaque coup de vent qu'il était étonnant qu'elle ne lui soit pas encore tombée sur la tête. Depuis bientôt dix ans, la Terre avait été ravagée par les cataclysmes. Des raz-de-marées géants avaient engloutis les villes, des pays entiers avaient été ravagés par des cyclones, et les plus riches avaient trouvés le moyen de s'enfuir dans l'espace. Sur Terre ne restaient plus que les pauvres, les vieux, et les oubliés. Face à la nature qui se déchaînait sur leurs pauvres têtes, ils ne pouvaient rien faire d'autre que se cacher et prier. Le déclin de l'espèce humaine était alarmant. L'instinct primitif avait pris le dessus sur toute forme de gentillesse ou de bonté. Les vols et les meurtres faisaient à présent parti du quotidien, et le vieux marionnettiste se prit à soupirer en pensant que l'Homme était devenu une bête sauvage. Il avait vu des brigands attaquer des groupes de femmes et d'enfants pour leur arracher le peu de nourriture et de vêtements qu'ils avaient. Il avait vu des vieillards comme lui se faire tabasser jusqu'à la mort pour quelques boîtes de conserves périmées. Il avait vu des horreurs que son pauvre esprit ne pourrait jamais oublier.

       L'homme se leva péniblement de son fauteuil et marcha jusqu'à son établis tant bien que mal. Il caressa du bout de ses doigts fripés le bois autrefois verni de son plan de travail. Il y posa son patin abîmé et l'observa longuement. Le monde d'aujourd'hui était malade. Et il devait le soigner. Jusqu'à son dernier souffle, il se jura qu'il œuvrerait pour sauver l'humanité de son déclin, quoi qu'il en coûte.

       Il n'avait à présent plus rien à perdre, à part le temps qu'il lui restait.

    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks Pin It

    votre commentaire
  •    Melvil jeta un coup d’œil à la grosse besace qu'il portait sur ses petites épaules. Il avait passé l'après-midi à cueillir tous les champignons qu'il avait croisé dans l'espoir que certains soient comestibles et qu'ils puissent épaissir la soupe de ce soir au village. Marchant parmi les arbres, il cherchait des yeux les environs recouverts de mousse ou d'herbes humides. Son sac, qui était deux fois plus gros que sa tête, était déjà bien rempli, mais il préférait continuer sa balade jusqu'à ce que le soleil entame sa descente dans le ciel. Après tout, sa mère ne l'attendait pas avant encore quelques heures. Après dix minutes de recherches infructueuses, Melvil s'autorisa une petite pause et s'assit contre un arbre. Il en profita pour boire un peu d'eau et manger un fruit. Celui-ci venait du potager secret de sa voisine, il était passé y faire un tour ce matin alors qu'elle dormait encore.
       Alors qu'il finissait goulûment son en-cas, une détonation se fit entendre.
       Melvil sursauta et bondit sur ses jambes. L'explosion devait être à moins d'un kilomètre derrière lui. Il ramassa sa besace et se dirigea vers le bruit le plus silencieusement possible. Très rapidement, des voix se firent entendre entre les arbres. Le petit garçon se cacha derrière un énorme tronc, le temps que les voix s'éloignent vers le Sud.
    « Oh ça va ! Il n'y avait rien d'intéressant à l'intérieur, de toute façon ! beugla une voix. »
    « On n'en sait rien, tu ne m'as pas laissé le temps de fouiller l'atelier ! rugit une autre, plus grave. »
    « Moi je l'ai fouillé. Et à part des poupées géantes et des marionnettes en bois il n'y avait rien, s'enquit une troisième. »
       Melvil entendit l'un des trois hommes donner un coup d'épée agacé dans un buisson.
    « Qui sait ? On aurait peut-être pu les vendre ! »
       Les voix se firent de plus en plus lointaines, et Melvil regarda les trois hommes s'éloigner en se disputant. Quand ils furent hors de vue, il quitta sa cachette et se dirigea vers le nuage de fumée qui dépassait de la cime des arbres, plus loin. Ça sentait le silex et le brûlé. Les trois hommes avait fait exploser ce qui devait être une cabane en bois au beau milieu d'une clairière. Elle était maintenant en ruine, mais la plupart des décombres n'avaient pas pris feu. Le bois devait être trop vieux, et les meubles trop humides pour brûler. La maisonnette avait tout bonnement explosé. Des outils et des marionnettes traînaient partout sur le sol parmi des bouts de tissus, de la porcelaine brisée et des bouts de métaux. Il restait à l'endroit où avait dû se trouver la cabane une grosse marque noire au sol, le bas d'un fauteuil en cuir, et quelques planches noircies. Melvil s'approcha et ramassa une petite marionnette en bois représentant un chevalier qui avait échappé à l'explosion. Il la dépoussiéra et la mis dans sa besace. Puis, entreprit de soulever quelques planches pour voir s'il ne pouvait pas en trouver d'avantage pour les autres enfants du village.
       En déplaçant ce qui avait dû être une porte, Melvil écarquilla les yeux. Devant lui se tenait un homme, grand et brun. Les yeux ouverts, fixant le vide. Il fut tout d'abord épouvanté, mais en se penchant il remarqua qu'il ne s'agissait que d'un pantin incroyablement réaliste. Il était étalé sur le sol, les yeux dans le vide, et un grand sourire sur son visage. A part quelques trous dans ses vêtements, le pantin semblait parfaitement intact. Melvil dégagea encore quelques planches et le souleva à hauteur de ses yeux. Il se trouva être étonnement léger. Il plaça les deux bras sur ses épaules, le traîna loin des décombres. La cueillette avait été suffisamment fructueuse, maintenant il pouvait rentrer chez lui la tête haute, se dit-il. C'est à mi-chemin entre la clairière et son village, qu'il déposa le pantin contre un tronc et s'assit enfin à ses côtés.
    « Dis donc, t'es pas lourd, mais qu'est-ce que t'es encombrant, toi ! On va faire une pause pause, d'accord ? »
       Il déposa son énorme besace près de lui et regarda le pantin. Du bout de ses petits doigts, il essuya un peu de noir de l'explosion qui s'était déposé sur le visage, quand il remarqua que les deux grands yeux blancs l'observaient. Lentement, il passa plusieurs fois sa main devant les deux grandes billes de verre blanches rivées sur lui. Il lui avait semblé voir les pupilles bouger. Impossible, ce n'était qu'une marionnette ! Il s'approcha plus près. Encore plus près... Sans quitter les billes du regard. Et alors qu'il n'était qu'à quelques centimètres du visage de la poupée, celle-ci cligna des yeux.

    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  •    Melvil recula d'un bond sous le coup de la surprise. La poupée avait bougé, elle avait cligné des yeux ! Et maintenant elle essayait de se lever, devant le visage horrifié du petit garçon. Mais alors qu'il s'apprêtait à prendre ses jambes à son cou, elle pris la parole, la voix pleine d'embarras.
    « Attendsattendsattendsattends ! Je sais que c'est bizarre, tu dois sûrement flipper ! Moi aussi je flipperais si je croisais un pantin qui parle ! »
       Il se mit à rire nerveusement, tout en dévisageant le petit garçon qui lui faisait face, tétanisé. Chercher un sourire sur son visage était chose vaine, il semblait véritablement terrifié. Comme il ne semblait pas répondre, mais qu'il n'avait plus l'air de vouloir s'enfuir non plus, le pantin entreprit de s'examiner. Il observa ses propres mains avec curiosité. Une voix, des mains, des jambes. Il avait même des vêtements avec une ceinture ! Il tourna sur lui même afin d'apprécier sa silhouette. Long, fin, des cheveux bruns en bataille, un jean noir assorti au petit veston qui couvrait sa chemise blanche, et une ceinture gravée magnifique, serrée autour de la taille. « Beau goooosse ! » pensa-t-il tout haut.
       Melvil quand à lui ne savait plus quoi faire. Il devait s'en aller, mais il ne pouvait pas fuir sans sa besace, laissée ventre ouvert quelques mètres plus loin. Toute sa récolte d'aujourd'hui était dedans. Il la fixa, en espérant de toutes ses forces qu'elle vienne à lui comme par magie, car il ne voulait surtout pas s'approcher du grand machin de bois qui s'étudiait sous toutes les coutures. Ses yeux firent des allers-retours entre la marionnette géante et le gros sac. C'est alors que l'homme de bois remarqua ce qui était à ses pieds. Et c'est devant le regard horrifié du petit garçon il s'accroupit pour l'ouvrir. Ainsi, sur le tas de champignons et racines qui remplissaient la besace, il y découvrit la marionnette du chevalier, qu'il prit en poussant un grand cri de joie.
    « Marcus ! Oh, c'est mon histoire préférée ! Mon père nous la racontait souvent le soir... »
       Melvil scruta la petite marionnette et se demanda si celle-là aussi allait se mettre à parler. Le grand bonhomme qui lui faisait face lui lança un sourire radieux et se laissa tomber sur les fesses avec un bruit mat de bois creux qui résonna jusque dans sa tête. Il fit bouger la petite poupée entre ses doigts, et commença à narrer d'une voix étrangement calme :
    « C'était un très grand guerrier romain, son courage et sa bravoure n'avaient pas d'égal. Il vivait à Rome, il y a très longtemps. Et un jour, une brèche géante s'est ouverte dans la ville, en plein milieu du forum. Tout le monde a eut très peur, ils pensaient que c'était un message des Dieux qui voulaient les soumettre à leur toute-puissance. Du coup il sont allés voir l'Oracle de la ville, et celui-ci leur a répondu que la brèche ne se refermerait que lorsqu'on y jetterait le bien le plus précieux de Rome. Pendant des jours, les gens y ont jeté de l'or, de l'argent, des bijoux, des trésors, des œuvres d'art... Mais la brèche restait béante au beau milieu de la ville. »
       Le pantin vérifia d'un coup d’œil furtif si le petit garçon était attentif à son histoire. Effectivement, deux grands yeux ronds débordants de curiosité le dévoraient de haut en bas : le garçon était captivé par l'histoire. L'homme de bois poursuivit son histoire. D'un coup il s'exclama haut et fort en brandissant son petit chevalier de bois :
    « Puis, Marcus Curtius est arrivé ! Monté sur son beau cheval, vêtu de sa cuirasse romaine scintillante, il déclara que le bien le plus précieux de l'Homme, c'était SON COURAGE ! Et il sauta dans la brèche sans hésiter ! Ainsi elle se referma sur lui, et ne se rouvrit plus jamais ! »
    Devant les yeux admiratif du petit humain qui était à présent assit en tailleur face à lui, le grand patin de bois se releva, et tendit la poupée vers lui. Le garçon l'attrapa avec grand soin et un sourire vint enfin illuminer son visage. Après l'avoir accroché à sa ceinture, il leva ses grands yeux brillants et les fixa sur l'homme de bois.
    « Moi c'est Melvil ! Et toi ? »
       Le pantin lui serra énergiquement la main, puis s'exclama joyeusement :
    « Je suis Lawrence ! Mais tout le monde m'appelle Law. »
       Law, prenant la grosse besace sur son dos, regarda tout autour de lui. Ils étaient vraiment en plein milieu de la forêt, impossible de se repérer à la position du soleil, les arbres montaient trop haut et étaient trop denses pour qu'on ne puisse apercevoir ne serait-ce qu'un bout de ciel. De toute évidence, il n'avait qu'une solution pour rejoindre la civilisation. Il ajouta :
    « Aller, je te raccompagne chez toi ! Vu l'état de ma maison je ne peux pas rester ici. Et puis je préfère te raccompagner au cas où les brigands seraient encore dans le coin... »
       Melvil acquiesça et ils se mirent en route..

    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  • Les Spectres d'Hel-Brun (partie 3)

     

     Sur tout le chemin, Lawrence ne s'arrêta pas une fois de parler. Il s'émerveillait à la moindre chose qu'il croisait sur son chemin et le garçon devait s'arrêter tous les dix mètres pour l'attendre. De plus, il ne cessait de piailler pour rien. Une fleur par-ci, un papillon par là, un écureuil un peu plus loin... Il était intenable, et ne se taisait jamais. Melvil se dit qu'il avait dû être seul dans cette cabane pendant très longtemps. Tout ce qu'il disait n'avait pas tout le temps de sens, mais le garçon ne s'en souciait pas, cela animait un peu le trajet du retour.
    Ils arrivèrent à l'orée de la forêt lorsque le ciel commença à se teinter d'éclats oranges et roses. Le soleil terminait son cycle derrière les montagnes qui encerclaient le village. Hel-brun était magnifique sous le ciel  aux couleurs pastels. Law prit une énorme bouffée d'air frais avant de franchir l'entrée du village, marqué par deux larges piliers de bois massifs. La femme qui les accueillit le débarrassa de la sacoche pleine de champignons, et Melvil alla se jeter dans les bras de sa mère. Avant même de l'embrasser il s'empressa de lui raconter ses aventures de la journée, la voix pleine d'enthousiasme. Il lui conta comment il avait échappé aux brigands, comment ils avaient fait exploser la maison de Lawrence avec du feu, et comment il avait retrouvé ce dernier sous les décombres, assoupit. Sa mère, quelque peu affolée par les récits de son fils, lui caressa tendrement la tête et lui répondit simplement qu'elle était heureuse de le revoir sain et sauf. Remarquant la suie et la terre qui lui colorait le visage et les mains, elle lui proposa d'aller prendre un bain. Tous deux s'en furent dans leur maison de rondins, et Lawrence en profita pour découvrir un peu le village. Ce n'est pas exactement ce à quoi il s'attendait en pensant rejoindre la civilisation. Le village était minuscule, il ne devait y avoir qu'une cinquantaine de personnes y habitant.
    En vérité, il ne savait pas trop à quoi il s'attendait. Il n'avait jamais quitté sa cabane de bois. Mais son père lui avait souvent décrit le monde extérieur. Mais où étaient les immeubles, les voitures, les grandes avenues couvertes de béton ? Où était cette fameuse technologie dont les humains ne pouvaient se passer ? Où était la tour Eiffel ? Les temples qui touchaient les nuages ? Les statues titanesques ? Tant d'histoires et de lieux qu'il avait imaginé le soir, plongé dans les centaines de livres qui enrichissaient le salon et son esprit. Lawrence lâcha un soupir bruyant. Après avoir fait deux fois le tour du village, ce qui lui prit environ vingt minutes, il se dit simplement que la Terre avait dû beaucoup changer depuis l'époque de son père. Peut-être que les humains avaient abandonné ce mode de vie pour revenir à l'essentiel, à la vie simple et calme d’antan.
    Il ne put néanmoins cacher sa déception. Il avait espéré plus, il avait espéré mieux. Plus grand, plus solide, plus éblouissant. Cela n'empêcha pas les habitants du village de l'accueillir chaleureusement : il fut invité à dormir chez le petit Melvil, on lui donna de l'eau et du savon pour se laver, et on raccommoda ses vêtements.
    Le soir, lorsque les habitants les plus robustes furent rentrés de la chasse, arcs et haches encore à la main, il fut invité à les rejoindre pour le souper. Bien qu'il refusa poliment la nourriture qu'on lui offrait, il tint compagnie aux membres du village pendant qu'ils se restauraient. Il en profita pour poser quelques questions sur la région.
    « Eh bien, au Nord il y a quelques vieilles maisons en ruine, plus personne ne les habite mais si vous continuez dans cette direction encore quelques jours, vous y trouverez le fort de Beregrak, une grande ville très dynamique à ce que j'ai entendu. Apparemment ils y a des fiacres partout dans la ville, et les rues sont même éclairées avec des réverbères ! Tandis que de l'autre côté de la forêt à l'Ouest, il y a Valdencia mais ça vous devez connaître, vous habitiez juste à côté. »
    « Eh bien... Non... Pas vraiment. »
    « Vous n'y êtes jamais allé ? Pas une seule fois ? »
    « Disons que je... eh bien... J'ai... Je ne suis pas souvent sorti de chez moi. »
    Lawrence se tut un instant. Comment expliquer sa situation sans trop en dire ? Il connaissait bien peu la région, et très mal les humains. Mais il avait besoin de renseignements. Se tournant vers la mère de Melvil, il tenta le tout pour le tout :
    « En réalité je ne suis jamais sorti de chez moi. Pas une seule fois... Je ne connais pas la région, ni les gens qui y habitent. Expliquez moi tout, faites comme si j'étais tombé du ciel et racontez-moi toute votre histoire. Depuis le début. »
    « Très bien, répondit-elle avec un regard stupéfait. Tous les habitants de ce village sont nés et ont grandi ici. Nous évitons de nous éloigner de trop. Nous chassons dans les environs et nous cultivons tout nous-même, donc nous ne connaissons pas grand chose au reste du monde. Tout ce que je peux vous dire c'est que lors de la Grande Fin il y a 100 ans, mon village a choisi de quitter les grandes villes et de venir s'isoler ici. »
    « La Grande Fin ? Qu'est-ce que c'est ? »
    « La fin des temps, voyons ! La fin des hommes... ! L'apocalypse ! Ca ne vous dit rien ? » Devant la mine déconfite du pantin qui haussait les épaules, la jeune femme poursuivit avec un soupir.
    « Bon sang, où étiez-vous pendant ces dernières décennies ? »
    « Chez moi... Avec mon père et mes frères... »
    La jeune femme le regarda avec une douceur teinté d'incompréhension.
    « Bon. Il y a une centaine d'années, la Terre s'est retournée contre nous. Abîmée par nos constructions, meurtrie par notre pollution, et vexée de notre indifférence, la planète a envoyé des marrées engloutir les ports, des séismes ravager les terres, des tornades déraciner les villes. En quelques années, la population a baissé de moitié. Puis un jour, un géologue a prédit que tous les volcans, jeunes ou vieux, éteints ou en activité allaient se réveiller sur l'ensemble de la surface planétaire et tout engloutir sous la lave. Après cette annonce, les riches et les personnes influentes se sont enfuis dans les étoiles, nous laissant tous à notre sort. Heureusement pour nous, la prédiction du géologue s'est avérée fausse, les volcans sont restés en sommeil. Mais nous nous sommes retrouvés abandonnés, sans repères et sans dirigeants. Les survivants se sont donc organisés en petits villages comme le notre, éparpillés partout sur le globe. »
    « Je vois... Je suis désolé pour vous. »
    « Il ne faut pas. Vous êtes dans la même situation, non ? »
    « Il semblerait, oui... Mais parlez moi des autres villages. »
    Une homme lui proposa un bol de soupe, que Law déclina gentiment d'un geste de la main. La salle était silencieuse, tout le monde écoutait la discussion avec grand intérêt, éberlué que Lawrence ne soit pas au courant de tout ça. La jeune femme poursuivit.
    « A mon avis, les métropoles ont été désertées. Les bâtiments sont en ruines et certainement inhabitables. Vous savez, nous voyons très peu de voyageurs comme vous. Je pense que tout comme Hel-Brun, les autres villages préfèrent rester soudés, isolés, et rester entre eux. Nous passons nos journées à travailler la terre et nous occuper des animaux et des enfants. »
    Comme pour illustrer ses propos, un cri de joie se fit entendre de l'autre côté de la grande tente. Deux bambins s'amusaient à se barbouiller mutuellement de soupe de champignon, sous le regard sévère de leur père.
    Après quelques minutes de réflexion, et sans plus de questions, Lawrence remercia la jeune femme, et quitta la tente afin de les laisser finir leur repas tranquillement.
     

    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks Pin It

    votre commentaire
  • Il se promena dans le petit village, allant d'une maison à l'autre en regardant à l'intérieur avec curiosité. La faible lueur des bougies laissait parfois entrevoir des décorations murales, ou un bout de cuisine, ou encore une chambre avec son lit de paille et ses armoires de bois. Puis il alla caresser les vaches et les moutons, pour la plupart paisiblement endormis dans les enclos, tous serrés les uns aux autres sous la douce lumière de la lune.
    Lawrence était en train de jouer avec le chien du village quand Melvil vint le rejoindre. L'imposant Border Collie remuait énergiquement de la queue, les yeux rivés sur la main du pantin, une envie dévorante de mordre dans le bâton.
    « Pourquoi t'as rien mangé au dîner ? » s'enquit le petit garçon.
    « Pardon, je ne voulais pas être impoli... Je ne suis pas humain. Je ne mange pas. Et je ne bois pas, je ne dors pas... En vérité je n’ai même pas besoin de respirer, je le fais par mimétisme. »
    « Alors tu es vraiment une marionnette ? Tu es vraiment fait de bois et de tissu ? »
    Lawrence pour toute réponse lui adressa un large sourire plein de malice. Il ramassa le bâton dans la gueule du chien et s’amusa à le faire tourner entre ses mains, tout en songeant. Puis se figea complètement.
    « Quelque chose me chiffonne. » dit-il.
    Il se tourna, et planta ses yeux dans ceux du garçon.
    « Quand je t’ai rencontré, tu cueillais des champignons et des racines pour la soupe. Pourtant j’ai vu votre village, vous avez des plantations, des animaux, et vous auriez largement de quoi tous vous nourrir avec vos récoltes. Alors pourquoi vous contentez-vous de soupe de racines ? »
    Le petit homme baissa les yeux et fit mine d’observer le chien qui attendait impatiemment son bout de bois.
    « On doit garder les récoltes pour les Spectres… »
    « Les Spectres ? »
    Melvil essaya de caresser le chien pour détourner la conversation. Mais celui-ci, bien trop absorbé par le bâton, ne lui porta aucune attention.
    « On pense que ce sont d'anciens habitants de la région, des esprits qui ont été tués brutalement par l'apocalypse. Ils ne nous rendent visite que la nuit. Ils nous demandent des offrandes de nourriture et d’or. Et si on ne leur obéit pas, notre maison se retrouve brûlée au petit matin. »
    « Intéressant… » Réfléchit Lawrence à voix haute.
    Il envoya la balle de toutes ses forces, amusé par le jeune chien qui aboya de joie en courant après le projectile, ne regardant que vaguement vers où il courrait et manquant à plusieurs reprises de s’écraser sur les murs des maisons.
    « Je n’ai jamais vu de spectres auparavant, ça risque d’être… Intéressant ! »
     

    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique