• Les Spectres d'Hel-Brun (partie 1)

       Melvil jeta un coup d’œil à la grosse besace qu'il portait sur ses petites épaules. Il avait passé l'après-midi à cueillir tous les champignons qu'il avait croisé dans l'espoir que certains soient comestibles et qu'ils puissent épaissir la soupe de ce soir au village. Marchant parmi les arbres, il cherchait des yeux les environs recouverts de mousse ou d'herbes humides. Son sac, qui était deux fois plus gros que sa tête, était déjà bien rempli, mais il préférait continuer sa balade jusqu'à ce que le soleil entame sa descente dans le ciel. Après tout, sa mère ne l'attendait pas avant encore quelques heures. Après dix minutes de recherches infructueuses, Melvil s'autorisa une petite pause et s'assit contre un arbre. Il en profita pour boire un peu d'eau et manger un fruit. Celui-ci venait du potager secret de sa voisine, il était passé y faire un tour ce matin alors qu'elle dormait encore.
       Alors qu'il finissait goulûment son en-cas, une détonation se fit entendre.
       Melvil sursauta et bondit sur ses jambes. L'explosion devait être à moins d'un kilomètre derrière lui. Il ramassa sa besace et se dirigea vers le bruit le plus silencieusement possible. Très rapidement, des voix se firent entendre entre les arbres. Le petit garçon se cacha derrière un énorme tronc, le temps que les voix s'éloignent vers le Sud.
    « Oh ça va ! Il n'y avait rien d'intéressant à l'intérieur, de toute façon ! beugla une voix. »
    « On n'en sait rien, tu ne m'as pas laissé le temps de fouiller l'atelier ! rugit une autre, plus grave. »
    « Moi je l'ai fouillé. Et à part des poupées géantes et des marionnettes en bois il n'y avait rien, s'enquit une troisième. »
       Melvil entendit l'un des trois hommes donner un coup d'épée agacé dans un buisson.
    « Qui sait ? On aurait peut-être pu les vendre ! »
       Les voix se firent de plus en plus lointaines, et Melvil regarda les trois hommes s'éloigner en se disputant. Quand ils furent hors de vue, il quitta sa cachette et se dirigea vers le nuage de fumée qui dépassait de la cime des arbres, plus loin. Ça sentait le silex et le brûlé. Les trois hommes avait fait exploser ce qui devait être une cabane en bois au beau milieu d'une clairière. Elle était maintenant en ruine, mais la plupart des décombres n'avaient pas pris feu. Le bois devait être trop vieux, et les meubles trop humides pour brûler. La maisonnette avait tout bonnement explosé. Des outils et des marionnettes traînaient partout sur le sol parmi des bouts de tissus, de la porcelaine brisée et des bouts de métaux. Il restait à l'endroit où avait dû se trouver la cabane une grosse marque noire au sol, le bas d'un fauteuil en cuir, et quelques planches noircies. Melvil s'approcha et ramassa une petite marionnette en bois représentant un chevalier qui avait échappé à l'explosion. Il la dépoussiéra et la mis dans sa besace. Puis, entreprit de soulever quelques planches pour voir s'il ne pouvait pas en trouver d'avantage pour les autres enfants du village.
       En déplaçant ce qui avait dû être une porte, Melvil écarquilla les yeux. Devant lui se tenait un homme, grand et brun. Les yeux ouverts, fixant le vide. Il fut tout d'abord épouvanté, mais en se penchant il remarqua qu'il ne s'agissait que d'un pantin incroyablement réaliste. Il était étalé sur le sol, les yeux dans le vide, et un grand sourire sur son visage. A part quelques trous dans ses vêtements, le pantin semblait parfaitement intact. Melvil dégagea encore quelques planches et le souleva à hauteur de ses yeux. Il se trouva être étonnement léger. Il plaça les deux bras sur ses épaules, le traîna loin des décombres. La cueillette avait été suffisamment fructueuse, maintenant il pouvait rentrer chez lui la tête haute, se dit-il. C'est à mi-chemin entre la clairière et son village, qu'il déposa le pantin contre un tronc et s'assit enfin à ses côtés.
    « Dis donc, t'es pas lourd, mais qu'est-ce que t'es encombrant, toi ! On va faire une pause pause, d'accord ? »
       Il déposa son énorme besace près de lui et regarda le pantin. Du bout de ses petits doigts, il essuya un peu de noir de l'explosion qui s'était déposé sur le visage, quand il remarqua que les deux grands yeux blancs l'observaient. Lentement, il passa plusieurs fois sa main devant les deux grandes billes de verre blanches rivées sur lui. Il lui avait semblé voir les pupilles bouger. Impossible, ce n'était qu'une marionnette ! Il s'approcha plus près. Encore plus près... Sans quitter les billes du regard. Et alors qu'il n'était qu'à quelques centimètres du visage de la poupée, celle-ci cligna des yeux.

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