• Les Spectres d'Hel-Brun (partie 2)

       Melvil recula d'un bond sous le coup de la surprise. La poupée avait bougé, elle avait cligné des yeux ! Et maintenant elle essayait de se lever, devant le visage horrifié du petit garçon. Mais alors qu'il s'apprêtait à prendre ses jambes à son cou, elle pris la parole, la voix pleine d'embarras.
    « Attendsattendsattendsattends ! Je sais que c'est bizarre, tu dois sûrement flipper ! Moi aussi je flipperais si je croisais un pantin qui parle ! »
       Il se mit à rire nerveusement, tout en dévisageant le petit garçon qui lui faisait face, tétanisé. Chercher un sourire sur son visage était chose vaine, il semblait véritablement terrifié. Comme il ne semblait pas répondre, mais qu'il n'avait plus l'air de vouloir s'enfuir non plus, le pantin entreprit de s'examiner. Il observa ses propres mains avec curiosité. Une voix, des mains, des jambes. Il avait même des vêtements avec une ceinture ! Il tourna sur lui même afin d'apprécier sa silhouette. Long, fin, des cheveux bruns en bataille, un jean noir assorti au petit veston qui couvrait sa chemise blanche, et une ceinture gravée magnifique, serrée autour de la taille. « Beau goooosse ! » pensa-t-il tout haut.
       Melvil quand à lui ne savait plus quoi faire. Il devait s'en aller, mais il ne pouvait pas fuir sans sa besace, laissée ventre ouvert quelques mètres plus loin. Toute sa récolte d'aujourd'hui était dedans. Il la fixa, en espérant de toutes ses forces qu'elle vienne à lui comme par magie, car il ne voulait surtout pas s'approcher du grand machin de bois qui s'étudiait sous toutes les coutures. Ses yeux firent des allers-retours entre la marionnette géante et le gros sac. C'est alors que l'homme de bois remarqua ce qui était à ses pieds. Et c'est devant le regard horrifié du petit garçon il s'accroupit pour l'ouvrir. Ainsi, sur le tas de champignons et racines qui remplissaient la besace, il y découvrit la marionnette du chevalier, qu'il prit en poussant un grand cri de joie.
    « Marcus ! Oh, c'est mon histoire préférée ! Mon père nous la racontait souvent le soir... »
       Melvil scruta la petite marionnette et se demanda si celle-là aussi allait se mettre à parler. Le grand bonhomme qui lui faisait face lui lança un sourire radieux et se laissa tomber sur les fesses avec un bruit mat de bois creux qui résonna jusque dans sa tête. Il fit bouger la petite poupée entre ses doigts, et commença à narrer d'une voix étrangement calme :
    « C'était un très grand guerrier romain, son courage et sa bravoure n'avaient pas d'égal. Il vivait à Rome, il y a très longtemps. Et un jour, une brèche géante s'est ouverte dans la ville, en plein milieu du forum. Tout le monde a eut très peur, ils pensaient que c'était un message des Dieux qui voulaient les soumettre à leur toute-puissance. Du coup il sont allés voir l'Oracle de la ville, et celui-ci leur a répondu que la brèche ne se refermerait que lorsqu'on y jetterait le bien le plus précieux de Rome. Pendant des jours, les gens y ont jeté de l'or, de l'argent, des bijoux, des trésors, des œuvres d'art... Mais la brèche restait béante au beau milieu de la ville. »
       Le pantin vérifia d'un coup d’œil furtif si le petit garçon était attentif à son histoire. Effectivement, deux grands yeux ronds débordants de curiosité le dévoraient de haut en bas : le garçon était captivé par l'histoire. L'homme de bois poursuivit son histoire. D'un coup il s'exclama haut et fort en brandissant son petit chevalier de bois :
    « Puis, Marcus Curtius est arrivé ! Monté sur son beau cheval, vêtu de sa cuirasse romaine scintillante, il déclara que le bien le plus précieux de l'Homme, c'était SON COURAGE ! Et il sauta dans la brèche sans hésiter ! Ainsi elle se referma sur lui, et ne se rouvrit plus jamais ! »
    Devant les yeux admiratif du petit humain qui était à présent assit en tailleur face à lui, le grand patin de bois se releva, et tendit la poupée vers lui. Le garçon l'attrapa avec grand soin et un sourire vint enfin illuminer son visage. Après l'avoir accroché à sa ceinture, il leva ses grands yeux brillants et les fixa sur l'homme de bois.
    « Moi c'est Melvil ! Et toi ? »
       Le pantin lui serra énergiquement la main, puis s'exclama joyeusement :
    « Je suis Lawrence ! Mais tout le monde m'appelle Law. »
       Law, prenant la grosse besace sur son dos, regarda tout autour de lui. Ils étaient vraiment en plein milieu de la forêt, impossible de se repérer à la position du soleil, les arbres montaient trop haut et étaient trop denses pour qu'on ne puisse apercevoir ne serait-ce qu'un bout de ciel. De toute évidence, il n'avait qu'une solution pour rejoindre la civilisation. Il ajouta :
    « Aller, je te raccompagne chez toi ! Vu l'état de ma maison je ne peux pas rester ici. Et puis je préfère te raccompagner au cas où les brigands seraient encore dans le coin... »
       Melvil acquiesça et ils se mirent en route..

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