• Chapitre 3 (partie 2)

        Elle entra dans la large salle à manger et remarqua que l'Auguste y était déjà installée, seule, au bout de la longue table en bois. Il s'agissait du seul repas qu'Arcane ne passait pas avec le reste des Initiés. Sa mère avait insisté pour qu'elles dînent ensemble chaque jour afin d'entretenir leur relation mère-fille. Elles n'avaient pas de grandes discussions la plupart du temps, et se contentaient de manger en silence, mais Arcane préférait ça au réfectoire bondé et bruyant où mangeaient les Initiés. De plus, Arcane n'était pas du genre à avoir beaucoup d'amis. Elle connaissait toutes les filles de sa classe, et toutes les filles la connaissaient, mais elle n'avait tissé de liens forts avec aucune d'entre elles. En tant que fille de l'Auguste, elle trouvait plus difficile de faire confiance aux gens. La plupart des amies qu’elle avait eut jusqu’ici ne l’avaient approché que pour avoir des faveurs de sa mère.

        Elle s'installa près de l’Auguste, et commença immédiatement à dévorer les plats qui lui faisaient face, sous le regard réprobateur de sa génitrice ainsi que des Mécènes qui les servaient. Ce ne fut que quand elles passèrent au dessert qu'elle ne ralentit pour manger de manière plus correcte. Une bienheureuse coïncidence car ce fut le moment que la Reine choisit pour faire irruption dans la pièce. La mère comme la fille se levèrent prestement pour l'accueillir.

    « Je vous en prie, restez assises. Je ne voulais pas troubler votre dîner. »

        La Reine adressa un magnifique sourire à Arcane et vint la saluer en premier.

    « Comme vous avez grandi et comme vous êtes belle. Votre mère doit être ravie d'avoir une fille aussi intelligente et studieuse. Nous parlions encore de vous ce matin avec mon époux. »

        La jeune fille fit une de ses plus belles courbettes et se rassit à la table. La Reine se dirigea vers l'Auguste, la prit par les épaules et l'embrassa délicatement sur les deux joues.

    « Elaphe, quel plaisir de vous voir. J'espère que je ne vous dérange pas. »

    « Bien sûr que non. Je vous en prie, installez-vous. »

        La Reine s'assit sur la chaise face à Arcane et réajusta sa somptueuse robe de soie. Elle était magnifique. Des perles d'or décoraient ses habits et ses cheveux, et quelques paillettes venaient sublimer son visage. Et ses bijoux, bien que peu nombreux, étaient d'un raffinement sans égal.

    « J'ai assisté à la Contemplation de ce matin, quelle cérémonie extraordinaire. »

        Arcane faillit demander à la Reine pourquoi n'avait-elle pas fait sa Contemplation elle aussi, puisqu'elle trouvait ça si joli. Mais elle se retint. Ce n'était pas une manière pour parler à sa souveraine, et puis elle craignait bien trop les foudres de sa mère.

    « Je vous remercie, Laedris. » répondit celle-ci.

        Il était clair dans sa voix qu'elle cherchait à couper court aux bavardages inutiles. Si la Reine était là, ce n'était certainement pas pour discuter de la pluie et du beau temps. Elle l'interrogea du regard. Après un long soupir, sa majesté se lança.

    « Je dois vous demander un service. Je suis navrée, je ne sais pas vers qui me tourner d'autre, je suis désespérée. »

    « Tout ce que vous désirez, ma Reine. Que puis-je faire pour vous ? »

        Arcane, par politesse fit mine de ne pas écouter la conversation. Elle s'efforça de fixer son dessert et de ne surtout croiser le regard de personne. Ces affaires-là ne la regardaient pas, depuis le temps elle avait appris à se tenir lorsque quelqu'un parlait à sa mère. Chose qu'elle avait appris à son détriment, d'ailleurs.

    « C'est... C'est assez délicat. Je viens vous voir car... »

        La Reine baissa les yeux, elle se mit à tortiller sa robe tandis qu'elle cherchait ses mots. L'Auguste, loin de vouloir la brusquer, la scruta patiemment de ses yeux sombres.

    « C'est mon fils, Alunir. Il a... bientôt 20 ans et... Il n'a toujours pas découvert son Totem. »

        Arcane releva la tête brusquement. Le Prince ? Un Profane ? Elle chercha à croiser le regard de sa mère, en vain. Elle ne pouvait pas autoriser ça, tout de même ! Un membre de la famille royale sans Totem, cela fera un scandale monstrueux.

        L'Auguste n'avait pas bronché. Elle se tenait toujours face à Laedris, les doigts croisés devant sa bouche. Le regard rivé sur son interlocutrice.

        Mais la jeune fille ne la connaissait que trop bien. Elle avait vu ce pincement des lèvres si caractéristique des dizaines de fois. Sa mère bouillait intérieurement. Néanmoins, et à sa grande surprise, elle posa sa main sur l'épaule de la Reine, et s'adressa à elle d'une voix étonnement calme.

    « Vous savez ce que cela signifie... »

    « Mon fils n'est pas un Profane ! Il est juste... distrait. Son père a trouvé son Totem à 19 ans, ce doit être de famille ? »

    « Laedris... Tout ce que je peux vous proposer c'est de prendre votre fils au sein de L'Ordre. Il pourrait faire son Initiation et découvrir son Totem comme les autres. Je vous promets qu'il serait bien traité. »

        Arcane eut un sourire en coin. « Le Prince au sein de L'Ordre, ça c’est bien joué, mère. » Effectivement, avoir un membre de la famille royale au sein de L'Ordre permettrait de remettre la cité à flot en réinstaurant les préceptes d'antan.

    « Hélas, c'est impossible. Il est destiné à monter sur le trône le jour de ses 21 ans. Il n'a pas six ans à consacrer à L'Ordre... »

        Arcane se retint de toutes ses forces pour ne pas crier. Un homme sur le trône ? Mais où allait-on ? Au regard que sa mère avait, elle aussi semblait outrée. La jeune fille fut une fois de plus impressionné par le calme qui régna dans sa voix.

    « Vous savez bien que selon nos préceptes, votre fils doit trouver son Totem par le biais d’une Initiation... Faire autrement serait un sacrilège... »

    « N'est-il pas possible d'écourter la formation ? N'est-ce pas faisable en une seule année ? »

        L'Auguste posa doucement sa main sur celle de la Reine. Elle ne prit pas la peine de répondre à sa question. Elle rapprocha simplement son siège et dit gentiment :

    « Nous allons trouver une solution. Laissez-moi juste peu de temps pour y réfléchir. »

        Sur ces mots, la Reine acquiesça tristement, et quitta la salle en les remerciant.

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